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Legal case

Impact de la décision de la CJUE dans l’affaire JR c. Austrian Airlines sur l’interprétation de la définition d’« accident » au sens de la Convention de Montréal

La situation des victimes d'accident dans un avion améliorée par la Cour de justice de l'Union Européenne.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a élargi le champ d’application de la protection des consommateurs dans les actions en cas d’accident intentées en vertu de la convention de Montréal. Cela est particulièrement évident dans l’affaire JR/Austrian Airlines (C-589/20).

La Convention de Montréal impose un régime de responsabilité objective en cas d’« accidents » entraînant la mort ou des blessures de passagers au cours d’un vol ou en cours d’embarquement ou de débarquement de celui-ci. Par conséquent, la question clé à se poser lorsqu’un passager glisse, trébuche ou tombe (sans cause externe identifiable de la chute) consiste à se demander si cette chute peut être considérée comme un « accident » aux fins de l’article 17 de la Convention de Montréal de 1999.

La notion d’« accident » avait été traditionnellement interprétée par les tribunaux nationaux et la CJUE, comme un « événement inhabituel et inattendu extérieur au passager », ce qui signifie que la chute elle-même ne pouvait pas constituer l’accident (c.-à-d. Cour d’appel Barclay c. British Airways [2010] QB 187). Ou, en termes similaires, un « événement imprévu, dommageable et involontaire et cette notion n’exige pas que le dommage soit dû à la matérialisation d’un danger généralement associé à l’aviation ou qu’il existe un lien entre l’ « accident » et l’exploitation ou le mouvement de l’aéronef » (Décision de la CJUE concernant Niki Lufthart (C-532/18, EU:C:2019:1127). Toutefois, cette interprétation n’a pas été exempte de polémique.

Dans la récente affaire JR c. Austrian Airlines, la CJUE a décidé exactement le contraire : c’est-à-dire que le fait qu’il y ait eu chute était suffisant pour constituer un accident et qu’il appartenait au transporteur de justifier d’une défense à la demande au titre de l’article 20 de la Convention.

Analyse de JR contre Austrian Airlines

Les faits de l’accident dans l’affaire JR étaient que la demanderesse débarquait d’un vol exploité par la défenderesse en utilisant un escalier mobile et tenant un sac à main d’une main, et son fils de deux ans de l’autre. Elle a trébuché et a été blessée et a intenté une action en justice contre le transporteur en Autriche. Le tribunal de district autrichien a rejeté la demande au motif que le défendeur n’avait pas manqué à ses obligations: l’escalier en question ne présentait aucun défaut et était conforme à la réglementation. Le tribunal autrichien a également conclu que la demanderesse n’avait pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter l’accident.

La requérante a interjeté appel et la CJUE a été saisie de deux questions concernant l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 20 de la convention de Montréal, pour lesquelles la CJUE a conclu :

  • Article 17, paragraphe 1 : « doit être interprété en ce sens qu’une situation dans laquelle, sans raison vérifiable, un passager tombe sur un escalier mobile aménagé pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse […] constitue en elle-même un « accident »... y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard. »
  • Quant à l’article 20, la CJUE a déterminé que lorsque le transporteur aérien prouve que le dommage a été causé par la négligence  du demandeur lésé, ce transporteur doit être exonéré totalement ou partiellement de sa responsabilité envers cette personne « dans la mesure où cette négligence […] a causé le dommage ou y a contribué »: La question de savoir comment apprécier la négligence contributive devait toutefois être appréciée conformément au droit national, à condition que ce droit respecte les principes d’équivalence et d’effectivité.

Conclusion

La CJUE a estimé que, étant donné que l’objectif de la convention est de créer un régime de responsabilité objective, le fait que l’accident n’ait pas été causé par une faute du transporteur n’empêchait pas la chute inexpliquée de constituer un « accident ». Toutefois, il a également conclu qu’il était loisible au transporteur d’invoquer l’article 20, disposition relative à la « négligence contributive » qui permet de conclure à 100 % à la négligence de la part du demandeur lésé – sans toutefois permettre au transporteur de se fier à sa propre diligence raisonnable pour se défendre contre la réclamation (sauf si la réclamation dépasse 100 000 £).

Il me semble qu’en pratique, prouver qu’un passager est responsable à 100% d’un accident ne sera pas une tâche facile. Il ne serait pas surprenant de voir les juges conclure qu’un demandeur blessé est responsable à 100 % de son accident serait contraire à l’esprit de la Convention (qui vise à appliquer un régime de responsabilité objective).

Il convient de mentionner que si les décisions de la CJUE ne lient plus les tribunaux anglais à la suite  du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, elles peuvent néanmoins être prises en compte si elles sont pertinentes en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la loi de  2018 sur le retrait de l’Union européenne. En tout état de cause, l’interprétation de la Convention, en tant que traité international, n’a jamais été à proprement parler une question de droit européen.