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Une réforme importante pour les tribunaux français : l’autorisation d’enregistrement des audiences

Depuis le 1er avril 2022, les procès et audiences peuvent désormais être filmés dans les tribunaux français. Simon Ball rend compte de ce qui a été un…

La réforme en France

Depuis le 1er avril 2022, les procès et audiences peuvent désormais être filmés dans les tribunaux français. Cette mesure voulue par le gouvernement et portée par le ministre de la justice et ancien avocat Éric Dupond-Moretti, a pour objectif de restaurer la confiance de la population dans l’institution judiciaire.

Cette possibilité de filmer des procès était jusqu’alors en France, réservée à certains cas exceptionnels. Une loi du 11 juillet 1985 précise ainsi que certains procès présentant « un intérêt pour la constitution d’archives historiques » peuvent être filmés. C’est dans ce contexte que certains procès ayant une portée mémorielle particulièrement importante ont pu être enregistrés, comme les procès de Klaus Barbie (1987), Maurice Papon (1997-1998), ou encore plus récemment, le procès des attentats terroristes du 13 Novembre 2015, qui se déroule depuis septembre 2021 à Paris.

Grâce à cette nouvelle loi, il sera dorénavant possible de filmer tous les procès et audiences, non seulement en matière civile et pénale, mais également les audiences auprès du Tribunal de Commerce, du Conseil de prud’hommes ou encore du Tribunal Administratif. L’autorisation pourra également concerner des audiences habituellement fermées au public, comme celles auprès du juge des enfants ou du juge aux affaires familiales.

L’enregistrement des audiences sera toutefois soumis à certaines règles, décrites dans le décret d’application n°2022-462 du 31 mars 2022. Cette possibilité est ainsi réservée aux journalistes (disposant d’une carte de presse) et ne s’applique donc pas à tous les citoyens. Une demande doit également être adressée au garde des sceaux. Cette demande doit préciser le motif d’intérêt public, d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique qui justifie l’autorisation d’enregistrement. Le journaliste doit également préciser le projet éditorial ainsi que les modalités d’enregistrement et de diffusion. C’est ensuite une autorité indépendante qui statue sur cette demande, étant précisé que dans le cas des audiences judiciaires, cette autorité doit solliciter l’avis du ministère public.

L’autorisation d’enregistrement peut, par ailleurs, être accompagnée de prescriptions spécifiques, relatives aux conditions techniques d’enregistrement et de diffusion. De plus, le recueil du consentement de toutes les personnes enregistrées est dans tous les cas, nécessaire.

Concernant la diffusion de ces enregistrements, le décret d’application précise que cette dernière ne doit pas perturber la sérénité des débats. Cela suppose ainsi que le procès ne soit pas retransmis en direct à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Plus encore, le ministère de la justice précise que la diffusion ne sera autorisée qu’à partir du moment où les éventuelles procédures de recours engagées seront closes, ou les délais de recours contre la décision, épuisés. Le ministère, par cette règle, souligne une volonté de garantir les droits fondamentaux des justiciables, notamment la présomption d’innocence, et le droit au respect de la vie privée.

La mise en place de cette procédure semble permettre de garantir un juste équilibre entre liberté de la presse et protection des droits fondamentaux. Cette réforme a d’ailleurs été accueillie plutôt positivement par les professionnels du droit, qui craignaient auparavant que cette nouvelle loi ne fasse de la justice un spectacle.

Qu’en est-il au Royaume-Uni?

Au Royaume-Uni, la situation est différente, s’il était encore jusque récemment strictement interdit d’enregistrer les audiences, le Crown Court (Recording and Broadcasting) Order 2020, entré en vigueur en Juin 2020, a fait évoluer la situation. L’enregistrement est désormais possible, mais très limité :

  • il ne peut intervenir que devant la Crown Court (Tribunal pénal) ;
  • seul le juge peut être filmé ; et
  • l’autorisation ne concerne que les remarques relatives à la sentence dans les affaires pénales médiatiques.

Il convient toutefois de noter que la mise en application de cette ordonnance a été fortement retardée en raison de l’épidémie de COVID-19. Les premiers enregistrements doivent normalement intervenir au cours de l’année 2022.

En outre, depuis 2009, il est possible de filmer les audiences de la Cour Supreme, et elles sont diffusées en direct sur le site internet de la Cour.

Et au-delà…

Ces deux réformes récentes montrent bien que la question des caméras dans les tribunaux est au centre de l’actualité, et sujette à de nombreux débats. Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, la situation semble aller dans le sens d’une démocratisation lente et progressive de l’enregistrement des audiences. Dans ces deux cas cependant, la situation est encore très éloignée de ce que l’on peut observer dans d’autres systèmes judiciaires, comme aux États-Unis, où certains procès surmédiatisés sont retransmis et commentés en direct. On peut notamment citer pour exemple le procès en diffamation qui oppose actuellement l’acteur Johnny Depp à son ex-épouse Amber Heard, devant le tribunal du comté de Fairfax en Virginie. Comme le prévoient les lois de cet État, les débats sont filmés en intégralité et retransmis en direct sur les réseaux sociaux et à la télévision, une situation encore inimaginable en Europe aujourd’hui.

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