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Le Conseil d’État autorise le développement d’un algorithme pour l’évaluation des dommages dans les affaires de préjudices corporels

Découvrez DataJust, un système d'IA controversé développé par le ministère français de la Justice pour aider les juges à évaluer les dommages et…

Ce projet d’algorithme destiné à être utilisé comme outil d’aide à la décision par les juges français pour l’évaluation des indemnisations dans les affaires de préjudices corporels a été initialement lancé en mars 2020 par le Ministère de la Justice. Un décret en date du 27 mars 2020 a permis le développement de DataJust, un système d’intelligence artificielle conçu pour extraire et exploiter les données relatives à l’allocation de dommages et intérêts dans les affaires de préjudices corporels. Le fonctionnement de cet algorithme consiste à identifier les montants réclamés par les parties dans ce type de litige, ainsi que les montants accordés aux victimes tant via les modes amiables de règlement des différends, que par les tribunaux. L’objectif principal fixé par le Ministère est de développer à terme un cadre de référence pour les dommages, mis à la disposition des juges, des avocats, des assureurs et des victimes de dommages corporels, et ainsi de garantir une égalité de traitement dans ces affaires.

Mais ce projet a été fortement critiqué, notamment par le CNB (Conseil National des Barreaux) ainsi que par plusieurs associations. Les opposants au projet considèrent notamment que l’utilisation d’un algorithme dans la résolution de ces litiges constitue une violation des principes de l’individualisation et de la réparation intégrale des préjudices. Des inquiétudes ont également été soulevées concernant la confidentialité des données collectées et le risque de violation de la vie privée que cet algorithme pourrait engendrer, car les données collectées comprennent en effet des informations personnelles sur les victimes comme par exemple leur nom, date de naissance et adresse, mais surtout des données sensibles concernant leurs antécédents médicaux, les blessures subies et les traitements reçus suite à ces blessures.

C’est pourquoi le décret du 27 mars 2020 a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Dans une récente décision, en date du 30 décembre 2021, le Conseil d’État a rejeté ce recours et a donc autorisé le développement de DataJust. Il a ainsi rappelé dans sa décision les quatre finalités principales de l’algorithme qui justifient son développement :

  • Réaliser des évaluations concernant les politiques publiques en matière de responsabilité civile ou administrative ;
  • Élaborer un référentiel indicatif des préjudices corporels ;
  • Informer les parties du montant de l’indemnisation à laquelle les victimes peuvent prétendre, et ainsi favoriser un règlement amiable des litiges ; et
  • Mieux informer les juges amenés à statuer sur les demandes d’indemnisation.

Le Conseil d’État a également précisé dans sa décision que le projet n’en était pour l’instant qu’au stade expérimental. Par ailleurs, afin de répondre aux préoccupations soulevées par les requérants en matière de protection des données à caractère personnel, le Conseil d’État ne considère pas que la collecte de ces données soit disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, d’autant que ces données sont au préalable anonymisées.

Le développement de cet algorithme s’inscrit dans un mouvement général de développement de la justice prédictive dans le domaine de l’indemnisation du préjudice corporel. Des initiatives privées, comme l’algorithme développé par la legaltech Quantum, émergent déjà en France et proposent des services de calcul des indemnisations en matière de préjudice corporel aux professionnels du droit. Ces initiatives soulignent l’utilisation croissante de la justice prédictive et des outils d’aide à la décision dans le domaine juridique, notamment en matière de dommages corporels. Il est donc important de s’y intéresser de près et de suivre le développement de ces projets, qui devraient prendre de l’ampleur dans les années à venir.

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